LA MAISON DES ENFANTS DE BUZET (Belgique) José Macq

L’École Communale
LA MAISON DES ENFANTS
Buzet  (Floreffe, Belgique)

 


Le 13 septembre  dernier, en même temps que trois enseignantes tunisiennes dont deux inspectrices, j’ai eu la chance de visiter cette école à l’invitation de Mr Charles Pepinster, ancien inspecteur, son créateur (1992) et premier enseignant.
Cette École communale, originale à plus d’un titre, fonctionne dans une maison de neuf pièces et un grand grenier et est groupée avec une École Maternelle toute voisine. Elle rassemble actuellement 66 élèves de degré primaire dans une classe unique où la formation est continue de la première à la sixième année.
Mr Manil et trois enseignantes en assurent la formation sur le schéma pédagogique et éthique de l’Éducation Nouvelle. (
Voir les sites www.gben.be et www.lamaisondesenfants.be)


La présentation de l’école

Mr Jean-François Manil, qui vient d’accéder au titre de Master en sciences de l’Éducation, continue depuis 15 ans à développer cette école communale. Il accueille les visiteurs et  les informe de quelques-uns des grands principes sur lesquels repose la réussite de l’école.
Parmi ceux-ci la confiance est première. Diverses précautions en garantissent un  maillage pérenne entre enseignants, élèves et parents. La démocratie fonctionne dans l’école entre élèves et enseignants et de même qu’au sein de l’équipe d’enseignants. La journée commence par un conseil de classe, lui aussi original : les professeurs présentent le programme de la journée et consultent les enfants tous réunis. Certains points de ce programme sont ajustés au besoin selon la demande des élèves dans la mesure où le contenu des (exercices) apprentissages prévu est assuré.
Les élèves interrompent librement le professeur pour objecter ou poser des questions.

Les  élèves ne sont jamais punis, et leurs textes jamais soulignés de rouges (sauf quand ils sont particulièrement remarquables). Il est bien entendu qu’ils ne font jamais de fautes ; ils ne font que des erreurs et savent pertinemment qu’elles sont pour eux tremplin de progression : les professeurs qui les accompagnent dans leurs exercices d’apprentissage émancipateur leur ont donné mainte occasion d’en être persuadés.  En cas d’éventuel brouhaha, pas d’énervement ; après coup on cause calmement, on s’explique “Que pourrions-nous prévoir pour que ça aille mieux ?“. Cela s’avère très efficace.
L’année scolaire se déroule sans cotation, ni bulletin, ni examen. On comprend bien que ceci met un terme à toute humiliation dans ou en dehors de l’école, en évitant toute forme possible de dénonciation ou de re-punition. Outre l’inexistence de classification d’élèves, ces pratiques traditionnelles sont remplacées par l’évaluation du professeur ou/et par l’autoévaluation du groupe, exercice auquel tous sont entraînés. Les parents sont tenus étroitement au courant de la progression des enfants  par mails, par des contacts faciles, et par la consultation d’un cahier personnel, sorte de porte-folio dans lequel sont énumérés par le menu les travaux d’apprentissage effectués par chaque élève dans la semaine et que ses parents sont invités à consulter et signer. Les plus âgés le remplissent eux-mêmes avec l’aide de l’enseignant.
En outre les parents sont périodiquement consultés à propos du fonctionnement de l’école. Ils peuvent du reste entrer dans l’école pendant la journée pour rencontrer les enseignants. Il y a classe ouverte toute l’année.

L’absence  d’examens ou/et de répétition de leçon entraîne un autre avantage insigne : cela a mis enfin un terme aux multiples journées d’indisponibilité des enseignants pour congés  dits ‘pédagogiques’, pour corrections diverses, pour des conseils de classe, ces fameux jours blancs….
Grâce à cette disposition les élèves bénéficient, en durée cumulée sur les six ans de leur cycle primaire, d’une année scolaire pleine d’apprentissage supplémentaire !

Les examens…

… sont remplacés par la multitude d’exercices quotidiens qui convoquent les élèves pour une participation personnelle ou fréquemment solidaire pour affronter des obstacles, relever en quelque sorte des défis. Ceux-ci sont planifiés souvent pour qu’ils fassent l’apprentissage d’une matière nouvelle en intériorisant l’itinéraire du raisonnement qui les a conduits au résultat. Plus d’une fois le défi ou l’énigme du cours est choisi pour les initier à une réflexion ‘horizontale’ et les sensibiliser ainsi à la complexité des choses.
Les découvertes et progressions hebdomadaires figurent, on l’a vu, dans un porte-folio personnel à faire signer par les parents. Mais en outre…

Le chef-d’œuvre pédagogique…

… invention originale de Charles Pepinster, est une importante épreuve réservée à chacun des élèves de fin de sixième année. Elle consistera pour lui à donner une conférence, plutôt un cours interactif en quelque sorte, sur un sujet qu’il a choisi avec l’enseignant au début de cette même année. La durée de cette épreuve va de 1H1/2 à 2H1/2. Dans cet intervalle de temps, devant toute l’école, professeurs et parfois quelques parents réunis, l’élève fait donc une présentation publique bien ordonnée de l’ensemble des informations de tout ordre qu’il aura rassemblées pendant toute l’année sur le sujet dont il a fait le choix avec l’enseignant neuf mois plus tôt.
Pour se préparer à cet événement, l’élève de sixième disposera d’une journée ‘hors cours généraux’ par semaine. Il approfondira alors son travail dans une pièce réservée à cet usage. Il  y retrouvera également ses autres compagnons de sixième occupés comme lui à mettre au point leur propre projet. Ils y sont précisément réunis dans le but de pouvoir partager entre eux informations et conseils divers, ainsi que différents modes de recherche ou de technique d’exposé, bref tout moyen d’assurer la réussite leur chef-d’œuvre pédagogique.
À cet effet chaque élève, accompagné par l’enseignant, se sera servi de toute la documentation qu’il aura recherchée dans l’excellente bibliothèque – véritable centrale documentaire et culturelle par excellence de cette école – ou bien dans des documents bien précis obtenus aisément par bibliobus. Il se servira également d’un d’ordinateurs disséminés dans l’école et dont l’usage lui est devenu familier depuis plusieurs années. Outre les conseils du professeur qui lui est affecté pour ce projet, il bénéficiera de ceux d’un parrain accepté ou proposé par l’enseignant, personne choisie pour sa qualification, en principe en dehors du milieu familial. Il aura l’occasion de le revoir plusieurs fois dans  l’année pour élargir sa documentation ou rechercher conseil.
Pour le bon déroulement de sa présentation, il fera usage à sa guise du tableau noir, de dessins, d’affiches ou de transparents à rétro-projeter, ou encore de films, de scénette, de mime ou de musique.

Durant son exposé il pourra être interrompu par des questions de son auditoire ou bien, à certains moments s’arrêtera spontanément pour demander s’il est bien compris ou s’il n’y a pas d’objection. Le tout se déroule délibérément suivant un schéma interactif dans le droit fil de l’entrainement créatif et solidaire accumulé au cours de ses études.

Cette épreuve remarquable, on le voit, testera à la fois non seulement sa capacité à réaliser une synthèse d’un sujet étudié de manière approfondie et sous un angle transversal, mais également son aptitude à se bien faire comprendre de tout un auditoire, à lui communiquer son message complexe de manière claire et interactive, ainsi qu’à prendre en compte les critiques de l’assemblée et ainsi nuancer son propos.
Inutile de dire que l’élève retire d’une prestation d’un tel niveau une légitime fierté.
Quel élève de sixième primaire dans le traditionnel serait capable de ce niveau de performance, de cette prise de responsabilité ?


Le texte intégral est à lire en téléchargeant le pdf ci-dessous.

J-Macq_Visite_Buzet

José Macq